Joliment Evanouie …

   Elle m’a rappelé quelques heures avant que je parte de Brest. Pour savoir si je comptais venir ou pas. Pour m’inviter à dormir chez elle quelques jours. Mais je ne savais pas si j’irais, même si les billets étaient dans ma poche. Alors j’ai passé la nuit à zoner, passer des coups de téléphone pour essayer de remettre de l’ordre dans mes idées, me balader à gauche et à droite …

   Puis le train quand même.

   A l’arrivée les rues me paraissaient familières et j’ai reconnu la porte. Je l’ai rappelé, elle m’a donné rendez-vous un peu plus haut. Puis deuxième étage. Un jour passe et je ne dis pas un mot et la suis en sachant pertinemment où est sa chambre. Elle ferme la porte derrière moi et se pose sur son lit.

   “Alors ?”

   Je n’ai pas rompu le silence car elle a déjà parlé. Mais en soit, c’est moi qui ai lancé la discussion. A chaque sujet on a un peu dévié, nos gouts, nos histoires, nos anecdotes, celles qu’on connaissait déjà et qu’on a pris plaisir à re-conter ou celles qu’on découvrait. Et je me sentais bien, je me sentais même à l’aise. Si à l’aise que je suis passé de sa chaise à son lit et que je me suis endormi dans ses bras.

   C’est la radio qui nous a réveillés. J’aurais dû me sentir étranger à cet endroit, j’aurais dû ramasser mes affaires et m’enfuir. Mais je me sentais là où j’ai toujours été, là où j’ai toujours voulu être. Elle a tapoté le réveil à la recherche d’une touche MUTE et est retombée sur l’oreiller en m’embrassant dans le cou. Je me suis levé du lit. J’aurais pu l’envoyer chier, j’aurais pu la haïr, l’insulter, me barrer en courant car “Arrête !”. Mais non, j’ai juste murmuré que j’allais aux toilettes et l’ai embrassée sur le front. J’ai instinctivement suivi le couloir, sachant d’avance où j’allais, et je suis allé me laver.

   A l’aise, trop à l’aise, tellement à l’aise que j’ai dit bonjour à sa mère et que je lui ai fait la bise. Tellement habitué à l’endroit que sa mère a souri en me voyant et m’invitait à rester quelques jours. Et je l’ai laissée parler car c’était moi qui n’était plus à l’aise de la voir être autant à l’aise avec moi, comme si j’étais de la famille.

   Je retourne dans la chambre. Elle est toujours assoupie. On a pas du dormir plus de deux heures cette nuit-là. Je m’allonge à ses côtés et ses bras viennent à la rencontre de mes côtes. Je la laisse faire et me joins au bal. Elle se tourne et m’offre à son dos. On a toujours dormi comme ça c'est vrai. Je serre mes bras autour d’elle mais je suis le prisonnier. Prisonnier de son amour. Je devrais résister. Mais je ne peux pas.

   Je n’ai pas pu, et tant mieux.

   J’ai abdiqué, j’ai signé son contrat, j’ai accepté tacitement d’être à elle, j’ai donné ma liberté entre ses bras, j’ai abandonné mon libre-arbitre, j’ai offert mon corps et mon âme … Mais elle me connais si bien. Si bien qu’elle savait quel choix je ferrais. L’après-midi est arrivé sur nos corps enlacés. Endormis ou éveillés, nous avions passé la journée au lit. A s’embrasser, à reprendre la discussion de la veille, à discuter de choses nouvelles, à débattre sur des conneries … Elle était devenue mon amoureuse. J’avais eu le choix pourtant, j’aurais pu refuser, j’aurais pu me battre, j’aurais pu réclamer.

   Mais je ne l’ai pas fait, et tant mieux.

   Peut-être qu’en réalité je n’avais pas le choix. Je n’ai même pas réfléchit, c’était naturel de l’aimer.

   (…)

   Les mois ont passés, une douche rapide, on s’habille et la voiture jusqu’à la gare. Main dans la main, comme s’il en avait toujours été ainsi. Mais c’était le cas. Elle a été la seule, l’unique. Elle monte dans son train et elle me promet qu’elle redescend dans deux mois.

   J’ai l’air bien.

   Alors, comme si je sentais que c’était ma dernière action je lui ai dit qu’elle était jolie et que je l’aimais.

   Elle s’est alors joliment évanouie au loin de ma gare …