Trois Baisers...
Mes paupières s'entrouvrent, incertaines, afin de laisser passer quelques rayons de l'écume de cette douce lumière vers mes iris encore enroulés dans mes rêves cristallins. L'air se trouble, la chambre se fait de nouveau ombre, je suis de nouveau soumis à l'immensité de mon âme écorchée. Je me roule dans ma peau, lentement, toujours avec ce soupçon de nostalgie qui me caractérise si bien : cette union si parfaite de mes froides souffrances laisse sur mon cœur un sillon de regret... Mon encéphale se met en branle, des liaisons synaptiques se font ici et là, à une vitesse vertigineuse, mes songes s'envolent définitivement, enfin le réveil tant espéré dans cette pièce malheureuse, vide de toute présence. Un pied au dehors du lit, puis deux, je fléchit, prêt à succomber à cette lancinante fin d'été qui me gave de sensations, encore méconnues et mystérieuses, que je ne faisait qu'attendre depuis une éternité...
Café, cigarette, on ne change pas, l'habitude rejoint la solitude désespérée de mes journées absentes, de ce soleil amoureux qui brille sur ma vie mais qui se place aussi loin que mon horizon, ce n'est pas une fatalité. Mes idées fuient à la cantonade, en-deçà des phénomènes je me présente humble mais fier de ce que je suis et de ce que j'ai. Le croisement de nos mains, la lenteur de nos baisers, tout cela ne saurait être plus proche, mon corps tremble, je me souviendrais du temps, de l'air, de ton odeur, de tout ce qui fera ces moments. Mais tu ne saura jamais, petite fille ambre et ciel, que tu es celle grâce à qui je revais en moi sans entraves comme on retourne à son ferment et comme on remonte à son âge, jusqu'à ce sourire d'herbe et de miel dispersé au quatre coins du printemps.
La terre brunit, la lumière dérive, les arbres et les pierres vibrent, immobiles, les étoiles et la pluie sons sur le socle de la mort, le chemin obscur qui me traînait jusqu'à présent roule vers son abîme dans un voyage sans murmure et sans plainte, et je le regarde comme s'il n'existait plus. Le ciel est bleu, le soleil me donne des ombres, l'herbe devient légère et fine, j'ai toute les raisons de me baisser pour saisir son corps de cristal entre mes bras ; ce soir là, dans ma déroute arbitraire, dans cette ville où ta vie semble se faire, alors que la pluie arrivait pour battre les souvenirs de mes heures souveraines, le ciel à rosi, et là, dans le miroir de nos mots amoureux, trois baisers se sont échangés.
Dans mon propre regard ou dans le champ de la réalité, ouvert ou fermé, en attente, je vois l'allée ou sautillent mes maux, et je ne discerne presque plus rien. Sans les mains, avec les yeux, le bonheur est souverain, tu es ce que j'ai de mieux. Jette moi ta lumière comme tu sais si bien le faire, nous nous reconnaîtrons.